« Cher syndicat des musiciens,
Je vous écris pour vous informer d’un incident récent lors d’un voyage prévu avec Air France entre Londres Heathrow (terminal 4) et Paris Charles de Gaulle.
I m’a semblé que vous pourriez être intéressé par une nouvelle preuve des difficultés constantes et insupportables auxquelles doivent faire face les musiciens qui, en raison du caractère international de leur métier, sont conduits à entreprendre de fréquents voyages.
Je joue de la harpe médiévale irlandaise. C’est une très petite harpe mesurant 106 x 46 x 22 cm. Elle ressemble un peu à une guitare acoustique. Rien que cette année, j’ai joué dans 10 pays européens différents et j’ai pris plus de 30 vols afin de jouer et d’enseigner.
J’avais déjà voyagé avec Air France en 4 occasions en 2013 sans incident. Le samedi 23 novembre 2013, je suis arrivé à Londres Heathrow pour un vol de retour vers Paris. J’avais voyagé sans difficulté vers l’Angleterre en conservant ma harpe en cabine le jeudi 14 novembre. Lors de l’enregistrement, alors que l’on procédait à l’étiquetage de mes bagages, l’employé de service appela son superviseur lorsqu’il aperçut mon instrument. J’expliquai qu’il tenait sans problème dans les coffres, que je l’avais conservé en cabine lors du vol aller et que je n’avais pas d’autre bagage à main. Le représentant d’Air France me dit qu’il me fallait acheter un siège supplémentaire, que ma harpe occuperait la place de 3 bagages individuels si elle devait être placée dans les coffres et que la politique d’Air France était claire : tout bagage excédant les dimensions standard (55 x 35 x 25 cm) ne peut être conservé à bord. Il répéta avec insistance que l’achat d’un billet entraînait l’acceptation de ces conditions.
Une mise en œuvre claire des règles me permettrait au moins de savoir à quoi m’en tenir au lieu de ne dépendre que du bon vouloir de l’employé de service le jour de mon voyage
Je me suis adressé au manager d’Air France du terminal concerné, attirant son attention sur fait que c’est le caractère imprévisible de la politique suivie par la compagnie qui est à l’origine des difficultés rencontrées. Si encore il y avait une règle claire établissant qu’un siège supplémentaire doit être acheté pour tout bagage dépassant les limites standard (ce qui concernerait également les trompettes, violons, saxophones etc.) alors les personnes pour lesquelles je travaille sauraient que je dois acheter un siège de plus (écrivant cela, je me rends bien compte qu’il s’agit d’une règle discriminatoire, mais au moins son application claire me permettrait-elle de savoir à quoi m’en tenir au lieu de ne dépendre que du bon vouloir de l’employé de service le jour de mon voyage). Le manager s’excusa pour ce manque de cohérence mais bien entendu, cela ne ne changea rien à mon cas.
J’ai finalement été contraint d’acheter un billet Eurostar pour un voyage plus tardif le même jour, ce qui a été la source de complications mais pas de dépenses insupportables.
Je considère que leur politique concernant les instruments de musique est clairement discriminatoire, car cela impose notamment de téléphoner pour pour acheter un siège supplémentaire au lieu de l’acheter simplement en ligne, sans parler du risque de sur-réservation qui peut conduire à devoir placer l’instrument dans les coffres (ce qui est ridicule, sachant le prix payé pour le siège supplémentaire) ou dans la soute (ce qui signifie devoir débarquer et renoncer à mon voyage compte tenu des risques liés dans ce cas à la manipulation de l’instrument). J’ai écrit à ce sujet au PDG d’Air France à propos de l’application incohérente des règles de la compagnie.
Il me semble que la situation a tendance à se détériorer, d’après mes fréquents voyages en tant que harpiste médiéval depuis 13 ans. Cela est dû, à mon avis, à l’évolution des pratiques des passagers qui, de plus en plus, voyagent exclusivement des bagages à main et ont tendance à surcharger les coffres. Le plus frustrant est qu’une valise contient rarement des objets de 3,500 £ (valeur de mon instrument) ou susceptibles d’être fracturés et de devenir inutilisables en cas de transport en soute, alors que ma harpe y serait en danger de dommages irréversibles. Il m’est impossible de louer un instrument à destination et en cas de dommages, je me trouverais sans travail jusqu’à ce qu’à ce que l’instrument soit réparé ou remplacé (dans ce dernier cas, cela signifie des mois sans pouvoir travailler).
Je sais qu’en tant que représentant des musiciens vous êtes sans doute régulièrement saisi de cas semblables, voire pires, mais j’espère néanmoins que ce témoignage renforcera utilement ceux déjà recueillis.
Bien cordialement,
P.S. Je souhaite ajouter qu’Easyjet continue d’être ma compagnie préférée : leur politique vis-à-vis des instruments de musique est claire et leur personnel se montre toujours à la fois accueillant et compréhensif. En utilisant le « Speedy boarding », je n’ai jamais eu de problème à trouver de la place pour mon instrument et je ne suis jamais mis en cause lorsque l’équipage peine à trouver des espaces de rangement libres pour les bagages des autres passagers. Pourvu que ça dure… »